(1 pris) le petit prince

tw ; deuil (décès de la mère), cancer, famille dysfonctionnelle, alcoolisme du père, antécédents de violences domestiques et maltraitances infantiles

une éclaircie sur la page
les mots viennent s'y poser
étonnés

une éclosion soudaine
une fête
et mes mains comme un perchoir
pour des oiseaux multicolores

Gaëlle Josse - et recoudre le soleil


Humanité qui implose dans le fracas d'une geôle qui porte son nom en fardeau. Monet l'abîmé qui ne saurait que donner ses sourires et ses rires pour voiler ses peines. Nul n'entendra les craquelures dans sa fragilité masculine, un rien de poétique dans la manière qu'il a d'esquisser sur ses calepins jaunis, les fresques de poèmes qu'aucun ne lira. L'enfant qui ne parla pas tout de suite, muré dans son mutisme, agitant phalanges boudinées pour communiquer dans un langage unique auprès du frère et de la mère, père un peu absent, toujours voguant au-delà delà de leur huis clos qui brillait pourtant si souvent. Maman illuminait les pièces. Tragédie que la maladie qui comme un fiel vint prendre possession d'elle. Comme un papier froissé dans le poing insensible de cette pute de vie, Maman s'est doucement éteinte tandis que, toujours, il lui tenait la main. Fils caché dans les jupons maternelles, s'abritaient contre sa cuisse ou au creux de son cou quand il pouvait se cacher des nuits sombres. Monet peint des univers sordides, jurant avec son faciès princier, caracolant dans les bidonvilles du trailer park, connu comme celui qui ne parle pas beaucoup mais qui se montre toujours si charmant. "L'a rien à faire là c'gamin. Trop gentil, pas encore alcoolique ou drogué. Mille fois que j'lui dis d'se tirer... L'écoute rien. Têtu comme sa mère." que diront ces âmes fatiguées qui auront croisés sa lumière.

Maman, ma luciole.
Te voilà endormie.
Promis, alors, je veillerai sur ton souvenir.

Il devint l'hommage à tout prix, celui qui tente de recoudre la lignée décimée de chagrin. Strauss qui empeste la purulence du drame, d'une tragédie soudaine. Rome en némésis, les poings frémissant de la haine de l'écraser pour qu'il ne lui renvoie plus en pleine face le prodige dont on l'aura couronné. Monet, le roi. Rome, le bouffon. Gravé dans le marbre de leur chair, valsant tout deux autour du pater engourdi d'ivresse depuis que mère s'est endormie. La haine, vivace envers ce grand-frère, trop admiré, trop aimé, sans jamais savoir ni comment le dire, ni comment le faire, qu'il n'ait pu voir Vénus se faire avaler par son dernier souffle. "Mais tu te souviens, autrefois, quand on balbutiait encore des bêtises enfantines, quand on se racontait qu'on était des héros. Tu t'souviens, Rome ? On s'endormait dans les rêves de l'autre quand ça gueulait trop fort à côté. Tu t'souviens ? On arrivait à s'aimer, guerriers minuscules face à la grandeur du monde effrayant des adultes. Je nous aimais ainsi. Je nous voulais ainsi. Je ne sais plus si tu le veux encore. Je crois que ta haine aura vaincu ton amour pour nous deux."

Monet combat et sillonne les lignes noires de Colchester, aime son univers étrange et mystique, ses histoires qu'il y a tant à conter. L'ambition viscérale de briller autrement qu'ici, prendre le large et se fondre dans l'écume d'une autre existence. Monet, Monet, Monet, dessine nous un mouton et un renard, rêve de t'envoler plus haut et surtout, ne reviens jamais.

Ici, tu sais bien, tu finiras comme tous,
Vides et gris, comme le ciel bas,
Brumeux, l'âme endormie,
La langue de plomb.

Ici on meurt et on ne ressuscite pas.