(prise) giza lagarce

fille éthanol, perfidie au bout des labres, la langue vipérine. Vale coureuse de dramas, cache ses afflictions dans les bras apolliniens. elle brave tous les dangers, se saccage de l’intérieur, crever sans trépasser vraiment. l’esquisse vicelarde en sourire, le rire trop bruyant, tonitrue comme une mélopée emportant avec lui les chants de tous ses sanglots ravalés. fragilité, terreur d’abandon qui brise tous ses liens, dépendance affective en fièvre aphteuse. Vale, tu prends l’eau mais dieu que t’es belle dans ton règne destructeur.


2006 y’a eu le soir banal, patriarche qui invective mater affaiblie. sûrement une énième histoire de parano dans le cervelet plein de formol du mari aux paluches de pierre. des coups qui pleuvent, la démence qui lacère les murs. Vale, à peine onze piges, entrouvre ses paupières, coincée dans l’escalier. elle la voit, Fox, ses longs cheveux d’ombres, ses orbes haineuses, le canon du fusil braqué le bourreau. les hurlements recrachés, invective et gerbe des années de retenus. ce soir, l’daron devra cesser. ce soir, il devra se mettre à genoux et ramper hors du bercail qu’il gangrène de sa vermine dévorant les dépouilles de ses propres gosses. Vale entend le coup, ce bruit sourd qui laisse un long sifflement dans le silence. papa qui tombe sans un bruit. Fox et mère qui crient plus fort. Vale qui couvre l’oreille blessée, son regard d’enfant étoilé d’horreur. premier cadavre exposé à ses yeux. odeur poudreuse en parfum sordide. papa, tu saignes du cœur. j’panserai tes plaies, ça ira mieux. tu vas revenir. tu reviens toujours. ••• 2006-2013 sœurs écartelées, mater à l’endocarde fragile prend le fardeau de l’infamie involontaire sur son dos, paumes souillées de poudre à canon. maman se fait embarquer et Vale se tait, seule mutique dans la fratrie qui beugle sa douleur. Fox supplie, Celeste sanglote, Vale fixe le vide. dans la rétine s’esquisse la dépouille du père mort, rembobine la scène sans y croire. un bout d’elle s’est pris une balle aussi, son aimant père glorifié emportant son âme, son innocence. au comico ça hurle et entre l’aînée et la harpie du milieu, ça s’injure de mots-poignards, flicaillons les séparent et ce seront les derniers mots jetés l’une à l’autre. Vale et Celeste s’envolent vers Détroit, mère-grand en aïeule sévère, dernier bout de son fils perdu. elle trouve de belles excuses au bourreau clamsé, son fils souffrait, sa femme pas assez bien. forcément que les coups pleuvent, comme dans tous les couples. Vale s’enlise dans un mutisme qui durera deux annuités, un long fleuve de silence, Celeste confinée entre ses bras quand vieille dame aux doigts noueux impose règles sordides. pas des années mirifiques, juste un enfer de plus. Vale détruit son avenir, échec scolaire et absentéisme aigüe. elle abandonne et trouve son premier labeur éreintant, qui empeste le gras et la crasse. quand la majorité sonne, elle embarque sa sœur et retourne au bercail. nouveau commencement et l’besoin vivifiant de pardonner l’aînée délaissée. elle ignore qu’alors, Fox a tout perdu ; de son enfant à ses amours. plus rien. elles ressoudent quelque chose qui n’a que la saveur de l’hypocrisie. ••• 2020 la maille coule pas assez, désespoir en perfusion sempiternel. elle s’abrutie des spliffs qui abandonnent jouvence de bonheur et de détente, s’embrase dans des relations qui ne tiennent pas. première bécane achetée, bijou rutilant qu’elle pouponne en passion cachée depuis l’âge ingrat. son hymne c’est son moteur quu hurle sous vos fenêtres dans la nuit profanée. puis y’a la descente vers les enfers de béton, s’habille de luxure vulgaire pour devenir catin des rues. elle se dévoile et la thune glisse facilement car elle sait parler et se vendre. Vale n’en dira rien quand Fox demande nouvelles, Vale ment, se décrit fièrement diplômée quand le curriculum vitae est vide. premier secret, pas le dernier. les crises commencent dans cette période, se brise et s’achève de lacérations à même la carne, hurle pour un rien, ressent tout au plus profond, le monde la prend par les tripes et personne ne semble comprendre ni ses larmes ni ses émotions qui divaguent de tout à rien. parfois, oui, elle est une vasque vide. ••• 2022 l’inévitable arrive, conduite à risque, corps dénudé de protection, elle se fracasse sur l'asphalte. un bras brisé et un genou mal recousu. depuis, elle a le pas qui vacille un peu, la douleur qui pulse dans les jours humides. ••• 2023 elle trouve un jour l’idée saugrenue de poser des mots pour un taulard. peu importe qui, Vale veut l’illusion d’une compagnie qui souffre autant qu’elle, qui étouffe dans son béton. elle signe ses lettres de son écriture malhabile et pleine de fautes. sourire renait à chaque enveloppe décachetée. un peu d’affection qui suinte du cœur, Celeste en Pandore gardant énième secret démoniaque pour ne pas affoler la grande des Levan. Vale esquisse des poèmes sans queue ni tête et elle ignore alors que le mis sous écrou sort de sa cage, corbac affamé prêt à tout pour trouver celle qui lui offrit quelques lueurs d’empathie.

moi, tu sais, j’ai rien de spécial. j’suis quelqu’un qui a une haine sans nom, c’est tout. quelqu’un qui voulait juste qu’on l’aime. c’est trop demandé je crois. les gens te promettent de rester pour mieux se parjurer ensuite. j’crois plus en rien, même pas en moi-même. j’sens qu’un truc déconne, que ma souffrance m’arrache les nerfs. moi j’voulais juste l’amour. j’le quémande comme un clebs qui tend la langue pour une confiserie et rien ne vient. j’suis vide d’espoirs, vide de tout sauf de cette putain de furie qui brûle. un jour, j’sais bien, j’cesserai tout. mais avant… je veux semer le chaos et détruire ce monde qui m’agresse.